Amanda LHERMITTE est née dans un petit village de
Seine-Maritime, Servaville-Salmonville, le 15 février 1875. Elle est
la fille d'Eugène, un charpentier dont les ascendants œuvraient
comme charrons ou charpentiers dans le Pays de Bray.
Peu de temps après la naissance d'Amanda, la
famille s'installe à Igoville, dans l'Eure. Son père décède
brutalement suite à un grave incident sur son chantier : un arbre
qu'il abattait s'est écrasé sur la voie ferrée, il a tout fait
pour le dégager afin d'éviter un grave accident, mais ces fortes
émotions lui ont coûté la vie.
Amanda devient couturière et à l'âge de 26 ans,
elle épouse Adolphe SAMSON, courtier, le 19 octobre 1901. Le couple
s'installe à Petit-Quevilly. Ils auront cinq fils, Georges, Maurice,
René, Fernand et Roger.
En 1914, à l'âge de 38 ans, Adolphe est mobilisé
au 22e RIT. Il succombera à ses blessures à Doullens, dans la
Somme, le 8 octobre 1914.
Mon arrière-grand-mère Amanda est restée seule
avec ses cinq fils à élever. Mon grand-père, Maurice m'a dit un
jour que tout ce qui lui était revenu de son mari, c'était un petit
porte-monnaie que lui avait réexpédié la Caisse des Dépôts et
Consignations, dans lequel elle avait trouvé deux sous.
Amanda a élevé ses cinq enfants à la mesure de la
force de son caractère et de son courage comme les milliers de
veuves de guerre ont élevé les milliers d'orphelins qu'a laissés
cette immonde boucherie. Les veuves de guerre ont été très
tardivement aidées par l'État.
Mon grand-père et ses quatre frères n'ont été
reconnus "Pupilles de la Nation" qu'en 1921.
Maurice a commencé à travailler très tôt, parce
qu'il fallait faire bouillir la marmite de la famille et parce que la
France manquait des bras des hommes sacrifiés. À quatorze ans il
conduisait le camion d'un limonadier pour assurer des livraisons, en
marche arrière pour grimper la rue de la Fontaine Sainte-Marie à
Rouen parce qu'en première, le camion ne montait pas !
Il sort quand même de l'école Industrielle avec un
CAP d'ajusteur et entre au sein d'une grande entreprise
pétrochimique, d'abord comme réparateur de pompe à essence, puis
avançant dans les échelons il terminera sa carrière comme
responsable à la sécurité industrielle.
Au cours de mes recherches, mon père m'a appris que
le nom d'Adolphe SAMSON ne figurait pas sur le Monument aux Morts de
Petit-Quevilly. Je suis allée vérifier et effectivement son nom n'y
est pas gravé. À la mairie, il est inscrit sur le registre
spécifique des "Morts pour la France", son acte de décès
à Doullens a été retranscrit dans les registres d’État Civil.
Mon grand-père avait dit à mon père que pour le
nom du soldat mort ou disparu soit inscrit il fallait payer, ou
cotiser à une souscription, ce que mon arrière-grand-mère et ses
fils ont refusé de faire. Et comme je les comprends !!! Une horreur
de plus : la guerre fauche un mari et un père et il faudrait encore
payer pour qu'il lui soit rendu hommage !
Ce que sa famille a obtenu, en payant ou pas, je ne
sais pas, c'est que son corps soit inhumé au carré des corps
restitués du cimetière municipal de Petit-Quevilly où Amanda est
venue le rejoindre 40 ans plus tard en 1954.