vendredi 22 novembre 2013

Rouen – Le départ de la classe 1914 - Regards croisés sur une photographie

Il y a quelque temps, Stephan Agosto nous faisait part de la publication d'une magnifique photographie sur la page d'accueil du site des ArchivesDépartementales de Seine-Maritime. Elle a été choisie pour illustrer le message d'appel de la GrandeCollecte et figure à l'inventaire des Archives Départementales sous la cote 157 Fi P4100.
Splendide cliché, qui m'a interpellée à plusieurs titres et a suscité l'intérêt d'un groupe de personnes s'intéressant à cette période, plus particulièrement en ce qui concerne le 3e Corps d'Armée, dont dépendent plusieurs régiments rouennais :



Cette photographie c'est tout d'abord la qualité de la prise de vue, une image très nette, d'une composition harmonieuse avec plusieurs lignes de fuite qui convergent vers le centre de la photographie. La pose triangulaire du groupe est peu classique, elle force le regard à suivre la profondeur du plan, à parcourir les deux rangs ainsi formés et à s'attarder sur chaque visage . Elle permet également de saisir plus de personnages sur une même largeur sans reculer le plan qui est assez rapproché.



C'est aussi l'émotion qui se dégage de cette multitude de visages : tous ces hommes ont l'air grave, sérieux, peu ont le sourire, la totalité a le regard dirigé vers l'objectif, sauf l'un des gradés, celui qui semble le plus âgé. Les soldats ne posent pas chacun de façon figée et uniforme, ce qui rend la photographie plus vivante. Quelques détails émergent de cet ensemble : la présence d'un religieux, celle d'un homme au visage couvert d'un pansement, les drapeaux fichés dans les canons des fusils.

J'ai également remarqué la présence d'hommes de deux régiments différents, le 119e Régiment d'Infanterie et le 74e Régiment d'Infanterie, mais n'ayant que des notions assez imprécises et fragiles en matières d'uniformes, d'équipements et d'histoires régimentaires, je me suis penchée sur d'autres aspects.

J'ai tout d'abord été intriguée par l'homme en soutane. Il est bien plus âgé que les jeunes soldats de la classe 14. S'il avait fait partie de la troupe, il porterait, comme les autres, uniforme et bardas, qu'il soit aumônier ou simple soldat. On peut supposer qu'il s'agit du curé ou d'un vicaire d'une paroisse environnant la caserne, venu apporté son soutien ou sa bénédiction à ces troupes partant pour le front. J'ai cherché dans le Journal de Rouen ou dans les bulletins du diocèse contemporains de la photographie s'il était fait mention du départ de la classe 14, mais de tels écrits devaient très certainement être interdit par la censure militaire. Pour cerner une paroisse, il faudrait connaître plus précisément où ce cliché a été pris. Donc je n'ai rien trouvé sur ce religieux.

Et puis je suis revenue à la photographie. Que me raconte-t-elle ? Qu'avons nous comme éléments fournis par la source ?

En examinant le paysage de la scène, on s'aperçoit qu'il est très limité : des petits bâtiments accolés à des murs qui forment enceinte et le haut de bâtiments extérieurs.
Mais c'est ce cadre qui me parle : ces bâtiments me sont très familiers, ce type d'architecture, ces murs montés mi-brique mi-silex, j'en vois tous les jours sur ma chère rive-gauche de Rouen. Je pense que cette photographie a été prise à la caserne Pélissier, mais je n'ai pas d'éléments tangibles à apporter, hormis ce grand sentiment de familiarité, remontant à mon enfance avec cet environnement.

Concernant les éléments en notre possession, le site des archives a ainsi légendé l'image publiée :

Départ de la classe 1914 pour le front [Titre]
22 novembre 1914 [Date]
157 Fi P4100.[Cote]
Le 2 août 1945(?), l’Allemagne déclare la guerre à la France. L’ordre de mobilisation, placardé dans toute la France obligent des millions d’hommes ayant effectué leur service militaire à se préparer pour la guerre. [Contexte]
Ici le départ de l’une des troupes rouennaises, la classe 1914, scène immortalisée par le photographe amateur Louis Chesneau. [Auteur]


Nous n'avons pas le lieu précis de la scène. Le terme « troupes rouennaises » peut laisser supposer que ce sont des soldats conscrits à Rouen. S'ils sont dans une caserne, laquelle-est-ce ?

La date semble précise : le 22 novembre 1914. Une consultation du Journal de Rouen, qui consigne les données des relevés météorologiques permet de confirmer pour cette période des températures déjà hivernales. Le départ de la classe 1914 en novembre, nous est connu par les recherches menées concernant les instituteurs mobilisés.

L'auteur : Louis Chesneau est dit « photographe amateur ». Ce n'est pas un photographe de presse, ni un photographe militaire, ni un photographe professionnel. Comment a-t-il pu obtenir le droit de venir photographier les troupes au sein d'une caserne dont on imagine que l'accès doit être très réglementé et soumis à autorisation ?

Lors des dernières journées du Patrimoine, j'ai visité deux lieux de conservation : celui du Centre de Ressources du Musée de l’Éducation et celui des Archives Départementales. Lors de ces deux visites, on nous a présenté des plaques photographiques et les conditions de leur conservation. La légende nous donne une cote de conservation aux Archives Départementales : consultons le catalogue pour trouver de quoi se compose le fond « Chesneau » s'il existe ou bien si c'est la seule œuvre de Monsieur Chesneau qui se trouve aux AD.
Malheureusement, le catalogue en ligne n'est pas complet et le fond Chesneau n'y est pas indexé. Il est, par contre cité dans d'autres catalogues.

Dernier recours : à tout hasard j'écris « Louis Chesneau » (avec les guillemets) dans un moteur de recherche bien connu et là, j'ai des réponses, beaucoup de réponses, dont l'une est particulièrement intéressante,

Les éditions « Point de Vues » lui ont consacré un livre : « Louis Chesneau, un photographe amateur Le Voyage à Saint-Sever en 1899 »(1). Monsieur Louis Chesneau est un photographe, amateur certes, mais connu et reconnu, encore à notre époque.
 
Le site de l'éditeur donne une brève biographie du photographe par laquelle on apprend que Louis Chesneau est bien un photographe amateur, puisque qu'il est par ailleurs « négociant », investi au sein du « Photo-Club rouennais ».
Le site de l'éditeur propose également un dossier de presse concernant cet ouvrage. Dans ce dernier, on en découvre un peu plus sur Louis Chesneau, ainsi que sur ses activités au sein du photo-club rouennais. Chacune de ses projections était accompagnée d'un cahier, dont l'un en particulier, s'intitule « Court-Circuit de la Grande Guerre à Rouen, 1914-1918 » daté de 1919.

L'auteur de ce livre hommage à Louis Chesneau est Didier Mouchel, chef de projet de la mission photo du Pôle Image de Haute-Normandie qui est un autre lieu de conservation d'archives photographiques et cinématographiques.

Un détour par le site du Pôle Image de Haute-Normandie s'impose.
On y apprend que le fond « Chesneau » est conservé par la famille de Monsieur Chesneau mais qu'une campagne de numérisation, à fin de préservation a été entreprise par le Pôle Image. Une partie de ce fond a également été versée aux Archives Départementales de Seine-Maritime.

La numérisation des œuvres de Mr Chesneau, ainsi que celle concernant d'autres photographes normands a été mise en ligne sur la basephoto du site du Pôle Image de Haute-Normandie. Elle est classée par auteur et par thème.

Le fond Louis Chesneau comporte trois thèmes :
  • la Première Guerre Mondiale avec 193 photographies,
  • Les Fêtes rouennaises avec 36 photographies,
  • le Photo-Club rouennais avec 2 photographies.

Chaque photographie numérisée et mise en ligne est accompagnée d'une notice d'inventaire détaillée comportant :
  • Le titre
  • L'auteur
  • Une description
  • L'année de prise de vue
  • Le nom du fond
  • Les notes du photographe
  • Des mots-clés
  • Un numéro d'inventaire
  • L'ayant-droit
  • La technique
  • Le support
  • Le format
  • Le lieu de consultation
  • Le lieu de prise de vue
  • Autres supports
    Dans la partie « Première Guerre Mondiale », certaines plaques sont signalées comme manquantes, mais figurent quand même à l'inventaire avec les notices afférentes, rédigées à partir des cahiers de projection de Louis Chesneau.

    Et c'est parmi ces notices de plaques manquantes qu'on en trouve une particulièrement intéressante : elle est cataloguée sous le numéro d'inventaire 0447 et porte le titre « Pierre Chesneau, André Batan et le Lieutenant Gaudron de Coquecaumont ».
    La description est très précise : « 119è d’infanterie à la caserne Pélissier avant le départ pour le front. Au premier plan le lieutenant Gaudron de Coquecaumont(2), Pierre Chesneau et André Batan. ». Description complétée par les notes du photographe : « Rouen Caserne Pélissier. Lieutenant Gaudron (…) A Batan » et enfin la date de prise de vue : 1914.

    Les plaques portant le numéro d'inventaire 0445 et 0446 peuvent y être associées puisqu'elles traitent du même sujet : le départ pour le front du 119e Régiment d'Infanterie. Les notes du photographe apportent des précisions supplémentaires : “La Guerre. Caserne Pélissier. Groupe (...). Départ 119e cl. 191423-11-14”.

    Le sujet se précise : il s'agit du départ des conscrits de la classe 1914 du 119e Régiment d'Infanterie, avec une date précise, le 23 novembre 1914.

    Louis Chesneau s'est donc rendu à la caserne Pélissier, sur la rive gauche de Rouen, le 23 novembre 1914, pour y immortaliser les scènes du départ pour le front des jeunes conscrits de la classe 1914 affectés au 119e Régiment d'Infanterie.

    Une autre série de photographies montre même qu'il aurait rejoint ce même régiment sur le front en 1915 comme en témoigne la photographie numéro 593 qui met en scène un groupe d'infirmiers de ce même régiment dont le titre est « Infirmiers à Neuville-Saint-Vaast » et les notes du photographe : « Neuville St Vaast. infirmiers. Tanay. Chesneau. Balan. Juillet 1915 ».

    On est en droit de se demander, comment Louis Chesneau, photographe amateur, a pu se rendre sur le front dans ce secteur où à cette époque les combats font rage pour maintenir une position conquise à l'ennemi en juin 1915 et qui fit des milliers de victimes. Les clichés 585 à 596 témoignent d'ailleurs parfaitement de l'état dans lequel il découvrit ce secteur, suite à ces combats, en juillet 1915.

    Pour nous recentrer sur notre sujet, la photographie mise en ligne sur le site des Archives Départementales de Seine-Maritime, faisons une synthèse des nouveaux éléments découverts grâce au fond Chesneau, numérisé et mis en ligne par le Pôle Image :

    • Louis Chesneau en novembre 1914, le 23 précisément d'après ses notes, réalise plusieurs clichés à la caserne Pélissier, mettant en scène le départ des conscrits de la classe 1914 du 119e Régiment d'Infanterie pour le front.
    • En juillet 1915, il se rend à Neuville-Saint-Vaast, sur le champ de bataille, et y photographie de nouveau des soldats du 119e Régiment d'Infanterie.
    • On cite des personnages : Pierre Chesneau, le lieutenant Gaudron de Coquecaumont, le capitaine Tanay, André Batan ou Balan.
    • Pierre Chesneau est noté dans les descriptions comme étant le fils de Louis Chesneau. On retrouve sous le numéro d'inventaire 0378 une photographie des trois fils de Louis Chesneau : Marcel, Jean et Pierre.

    La corrélation avec l'image produite par les Archives départementales semble évidente : l'auteur est le même, la datation et le sujet correspondent. L'examen de cette photographie montre bien qu'on y a photographié des soldats du 119e RI, le cadre de la caserne Pélissier n'est pas confirmé mais il est fort probable.

    Le contexte, le lieu et la date sont établis. Il reste peut-être à évoquer certains personnages de la photographie, notamment Pierre Chesneau.
    Comme nous le confirme l'état-civil, consulté sur le site des Archives Départementales, Pierre Chesneau est né à Rouen, le 30 avril 1894, fils de Marie Alexandre « Louis » Chesneau et de Marie « Berthe » Lethuillier. Donc, d'après sa date de naissance, il a dû être conscrit au sein de la classe 1914. Il est, pour le moment, impossible de consulter sa fiche matricule militaire, le registre la contenant étant actuellement dans les réserves des Archives Départementales pour numérisation.
    En comparant les documents 0378 et 0593 avec le personnage central de la photographie du groupe du 119e Régiment d'Infanterie, on s'aperçoit avec évidence qu'il s'agit de Pierre Chesneau.



    La composition du cliché et le soin pris par Louis Chesneau à la disposition des hommes dans la scène n'est pas anodin et révèle tout le talent artistique de ce photographe. Il n'est pas venu en simple photographe amateur assister à la scène du départ de la classe 1914. Il est concerné par cet événement. Au centre de sa composition il y a son fils, Pierre Chesneau.. Et il a mis tout son art à immortaliser cette scène qui laisse paraître tant d'émotions, de la part des acteurs et du preneur de vue.

    On imagine facilement combien Louis Chesneau doit être ému et attentif à cette scène de départ. Il connaît la guerre et il sait ce que peut vouloir dire ce départ pour le front. Son grand-père, Alexandre Louis Chesneau était officier de la Grande Armée, comme en témoigne son dossier de Légion d'Honneur. Il y a eu la guerre de 1870 à laquelle Louis Chesneau a peut-être participé et dont, de toute façon, il a été témoin. D'autre part Marcel Chesneau, fils ainé de Louis et frère de Pierre est mort en 1913, à l'âge de 27 ans et a été inhumé à Sotteville-lès-Rouen, le 18 novembre 1913, soit un an, presque jour pour jour avant le départ de son frère pour le front.

    Pierre Chesneau survivra au conflit mais s'éteindra peu après, le 26 avril 1923, des suites d'une maladie contractée au front. Son père Louis Chesneau décédera la même année, au mois d'octobre, à l'âge de 68 ans.

    Archives Départementales de Seine-Maritime, Journal de Rouen,
     28 avril 1923, JPL 3_267 et 5 octobre 1923, JPL 3_269

    Le bulletin de l’Église de Rouen et du Havre, publie dans son numéro 50 du 15 décembre 1923 une nécrologie qui rend hommage au talent de Louis Chesneau et rappelle notamment sa collaboration avec les médecins en charge des blessés et mutilés de guerre.


    BNF, Gallica Bibliothèque Numérique, Église de Rouen et du Havre bulletin n°50 15 décembre 1923, [en ligne] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63381722/f20.image


    Voilà pour mon regard sur cette belle photographie. Exercice enrichissant qui a permis de mettre en œuvre une méthodologie particulière à la lecture de photographie et à son utilisation comme source de l'histoire. Les vues croisées des participants sur un même support et ayant chacun choisi un angle d'interprétation et de lecture différents est aussi très stimulant et fécond.

    La découverte de ce fond a été permise par la conservation des collections de Louis Chesneau par sa famille, par la numérisation à fin de partage, par la mise en ligne, et de préservation, voulue par la famille et mise en œuvre par le Pôle Image et les Archives départementales. Que tous en soient remerciés.


    _________________________________
    Notes

    1. Mouchel, Didier , Louis Chesneau, un photographe amateur Le voyage à Saint-Sever en 1899, Point de vues, 2002, 88p.
    2. Il s'agit de Marie-Joseph Caudron de Coqueréaumont (1883-1915), sous-lieutenant au 119e Régiment d'infanterie, Mort pour la France le 26 juin 1915 à Aix-Noulettes (Pas-de-Calais) Fiche Mémoire des Hommes 

    Sitographie (sources) :
    1.  Département de la Seine-Maritime, Archives Départementales de Seine-Maritime, [en ligne] http://www.archivesdepartementales76.net/index.php (consulté le 21novembre 2013)
    2. Centre National de Documentation Pédagogique, Musée National de l’Éducation, [en ligne] http://www.cndp.fr/musee/ (consulté le 21 novembre 2013)
    3. Pôle Image Haute Normandie, Pôle Image Haute Normandie, [en ligne] http://www.poleimagehn.com/ (consulté le 21 novembre 2013)
    4. Bibliothèque Nationale de France, Gallica bibliothèque numérique, [en ligne] http://gallica.bnf.fr/ (consulté le 21 novembre 2013)
    5.  Ministère de la Culture et de la Communication, Archives Nationales base de données Léonore [en ligne] http://www.culture.gouv.fr/documentation/leonore/recherche.htm (consulté le 21 novembre 2013)
    6. Editions Point de vues, éditions point de vues, [en ligne] http://www.pointdevues.com/  (consulté le 21 novembre 2013)
    Sites d'intérêt

    1. Photo-Club Rouennais, Photo-Club Rouennais fondé à Rouen en 1891, [en ligne] http://photoclubrouen.free.fr/ (consulté le 21 novembre 2013)
    2. Société Française de Photographie, Société Française de Photographie, [en ligne] http://www.sfp.asso.fr/#home.php (consulté le 21 novembre 2013)
     Articles d'intérêt

    1. Ilsen About et Clément Chéroux, « L'histoire par la photographie », Études photographiques, 10 | Novembre 2001, [En ligne], mis en ligne le 18 novembre 2002. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/261. consulté le 21 novembre 2013.
    2. Didier Mouchel, « Archéologie du reportage photographique », Études photographiques, 11 | Mai 2002, [En ligne], mis en ligne le 04 mars 2010. URL : http://etudesphotographiques.revues.org/271. consulté le 20 novembre 2013.

    samedi 19 avril 2008

    En sortant de la messe ...

    Amfreville-les-Champs, dans l'Eure en 1696, le registre paroissial recueille en alternance les baptêmes, les mariages et les inhumations. Mais ce samedi de début décembre, le curé y consigne un événement dramatique :

    Extrait du registre paroissial d'Amfreville-les-Champs
    Microfilm 8Mi0082
    Archives de l'Eure en Ligne


    "Le samedi 8 ième de décembre au dict an Denis Gaumont aagé de 50 ans ou environ de la paroisse de Marcouville sortant de la messe de cette paroisse retournant à la Mare au Theuil fut rencontré du nommé Belhoste qui lui donna un coup de fusil dont il mourut sur le champ de quoi la justisse ayant esté avertie nous lui avons donné la sépulture le lendemain dimanche 9 dudict mois dans le cymetière de cette paroisse présence de Mathieu Moisant de la paroisse de Bacqueville et Nicolas Gouast de la dicte paroisse et de Isabeau Gaumont fille du défunt et qui ont signé avecque nous Signe : Nicolas Gouast - les marques de Mathieu Moisant et d'Isabeau Gaumont"

    Denis Gaumont a été assassiné sur le chemin du retour à son domicile. Il a eu le malheur de croiser la route d'un certain Belhoste. Quelles ont été les circonstances et quel a été le mobile de ce meurtre ? Etait-il prémédité ? Quel lien, s'il en existe un, relie le meurtrier à sa victime ? Qu'est-il advenu du meurtrier ?

    Qui était Denis Gaumont ?
    L'acte nous donne quelques réponses et des indications suffisantes pour trouver d'autres éléments.
    Il est âgé de 50 ans, ou environ, donc on peut estimer sa date de naissance aux alentours de 1646. Le lieu de naissance n'est pas précisé.
    Il est originaire de Marcouville, un très ancien village, rattaché aujourd'hui à la commune d'Houville-en-Vexin. Plus loin il est dit qu'il s'en retournait à la Mare-Autheuil qui était un hameau de Marcouville en 1696. Maintenant ce hameau est sur le territoire de la commune d'Amfreville-les-Champs.



    Les registres de Marcouville sont très lacunaires pour cette époque. Les seules traces directes de Denis Gaumont qu'on puisse y trouver sont ses marques en bas de deux actes. Le 25 octobre 1678 il est présent à l'inhumation de deux filles jumelles, Anne et Élisabeth, filles de feu Jean Cahagne et Elisabeth Mandré. Puis, le 1er avril 1681 il est parrain du fils de Jacques Malidé et Anne Mondré auquel il donne son prénom, Denis.
    La Mare Autheuil est cité dans les actes de Marcouville et est le lieu de domicile de Denis Gaumont.
    On ne retrouve ensuite mention de lui qu'en 1718 dans l'acte de mariage de sa fille Marie avec Pierre Bouaffles.
    Il est également fait mention de sa veuve Elisabeth Godard, présente à ce mariage. On y apprend également qu'Elisabeth Godard, s'était remariée avec Jacques Lesage, avant d'être de nouveau veuve.
    Marie Gaumont sera veuve, à son tour, après avoir mis au monde au moins une fille, Marie Elisabeth Bouaffles, le 23 mars 1722. Pierre Bouaffles décède le 27 juillet 1727 à l'âge de 40 ans.

    Dans les registres de Marcouville, j'ai relevé d'autres "Gaumont" :
    Elisabeth Gaumont, décédée subitement à la naissance de sa fille Elisabeth Binet le 1er septembre 1700.
    Mathurin Gaumont qui est le parrain d'Elisabeth Binet, le 2 septembre 1700.
    Marie Magdeleine Gaumont, fille d'André Gaumont et de Barbe Pinel, baptisée le 25 novembre 1719.
    André Gaumont qui signe le 5 septembre 1709 l'acte d'inhumation de Barbe Pinel, veuve d'André Gaumont.
    Les registres ne mentionnent pas Isabeau Gaumont. On peut supposer une erreur ou une confusion du Curé d'Amfreville et estimer qu'Isabeau et Elisabeth Gaumont sont une seule et même personne.
    L'acte d'inhumation porte la signature de deux présents : Mathieu Moisant et Nicolas Gouast. Tous deux sont de la paroisse de Bacqueville, limitrophe d'Amfreville-les Champs. Pourquoi ces deux hommes sont ils présents à l'inhumation ? Sont-ils des proches de Denis Gaumont ?

    Nous savons donc maintenant que Denis Gaumont :
    • est né vers 1646 dans un lieu inconnu ;
    • qu'il résidait déjà à Marcouville en 1678 ;
    • qu'il était marié avec Elisabeth Godard, dont il a eu au moins deux filles, peut-être trois
      • Isabeau, témoin à son inhumation
      • Elisabeth, épouse Binet, décédée en 1700
        • Elisabeth Binet(°1700 - + 1707)
      • Marie, qui épouse Pierre Bouaffles en 1718
        • Marie Elisabeth Bouaffles ;
    • qu'il décède et est inhumé le 9 décembre 1696 à Amfreville-les-Champs.


    L'intrigue est loin d'être démêlée. L'essentiel reste à éclaircir : les circonstances du drame, l'identité du meurtrier, les suites de cette affaire.
    Un détail pittoresque et troublant découvert grâce à Marco, un ami, : sur la carte Cassini, la Mare Autheuil est dénommée "La Mare au Tué".
    A suivre...

    jeudi 10 avril 2008

    Inondations...

    J'explore actuellement les registres paroissiaux de Léry, dans l'Eure, une des paroisses d'où sont originaires une partie de mes ancêtres.

    Au début de l'année 1742, Jean Mabire, curé de Léry, clôt les registres de 1741 et profite de la place restante en bas du feuillet pour y ajouter les faits marquants de l'année 1741.


    Tout d'abord les travaux de l'église :
    "En cette année 1741 a été édifié tout en neuf le portail de notre église.
    A été couvert en neuf le clocher par sept pans, celui tournant vers Tournedos étant jugé pouvoir durer encore dix ans. Les ouvriers couvreurs coutoient chacun trente sols par jour sans nourriture."
    [Illustrations de Architectural Antiquities of Normandy]
    J.S. Cotman, dess. et aut. du texte, Dessinateur,1822, BNF Gallica

    Puis le compte-rendu de "l'affreux ravage" causé par les calamités :

    "L'inondation qui commença devant Noël de l'an 1740 se porta jusqu'au trois arbres du cimetière de la rangée le long de la maison de Mr de Longtmesnil fit des ravages affreux. Il fallut rensemencer toutes les terres de la garenne qui ne rapportèrent presque rien parce que le printemps et l'été furent si secs qu'ils firent périr toutes les semences.
    J. Mabire, curé de Léry"
    Extrait du registre BMS de la paroisse Saint Ouen de Léry
    Archives départementales de l'Eure
    Microfilm 8Mi2430
    Image originale

    dimanche 11 novembre 2007

    Amanda



    Amanda LHERMITTE est née dans un petit village de Seine-Maritime, Servaville-Salmonville, le 15 février 1875. Elle est la fille d'Eugène, un charpentier dont les ascendants œuvraient comme charrons ou charpentiers dans le Pays de Bray.


    Peu de temps après la naissance d'Amanda, la famille s'installe à Igoville, dans l'Eure. Son père décède brutalement suite à un grave incident sur son chantier : un arbre qu'il abattait s'est écrasé sur la voie ferrée, il a tout fait pour le dégager afin d'éviter un grave accident, mais ces fortes émotions lui ont coûté la vie.


    Amanda devient couturière et à l'âge de 26 ans, elle épouse Adolphe SAMSON, courtier, le 19 octobre 1901. Le couple s'installe à Petit-Quevilly. Ils auront cinq fils, Georges, Maurice, René, Fernand et Roger.


    En 1914, à l'âge de 38 ans, Adolphe est mobilisé au 22e RIT. Il succombera à ses blessures à Doullens, dans la Somme, le 8 octobre 1914.


    Mon arrière-grand-mère Amanda est restée seule avec ses cinq fils à élever. Mon grand-père, Maurice m'a dit un jour que tout ce qui lui était revenu de son mari, c'était un petit porte-monnaie que lui avait réexpédié la Caisse des Dépôts et Consignations, dans lequel elle avait trouvé deux sous.


    Amanda a élevé ses cinq enfants à la mesure de la force de son caractère et de son courage comme les milliers de veuves de guerre ont élevé les milliers d'orphelins qu'a laissés cette immonde boucherie. Les veuves de guerre ont été très tardivement aidées par l'État.
    Mon grand-père et ses quatre frères n'ont été reconnus "Pupilles de la Nation" qu'en 1921.


    Maurice a commencé à travailler très tôt, parce qu'il fallait faire bouillir la marmite de la famille et parce que la France manquait des bras des hommes sacrifiés. À quatorze ans il conduisait le camion d'un limonadier pour assurer des livraisons, en marche arrière pour grimper la rue de la Fontaine Sainte-Marie à Rouen parce qu'en première, le camion ne montait pas !
    Il sort quand même de l'école Industrielle avec un CAP d'ajusteur et entre au sein d'une grande entreprise pétrochimique, d'abord comme réparateur de pompe à essence, puis avançant dans les échelons il terminera sa carrière comme responsable à la sécurité industrielle.


    Au cours de mes recherches, mon père m'a appris que le nom d'Adolphe SAMSON ne figurait pas sur le Monument aux Morts de Petit-Quevilly. Je suis allée vérifier et effectivement son nom n'y est pas gravé. À la mairie, il est inscrit sur le registre spécifique des "Morts pour la France", son acte de décès à Doullens a été retranscrit dans les registres d’État Civil.
    Mon grand-père avait dit à mon père que pour le nom du soldat mort ou disparu soit inscrit il fallait payer, ou cotiser à une souscription, ce que mon arrière-grand-mère et ses fils ont refusé de faire. Et comme je les comprends !!! Une horreur de plus : la guerre fauche un mari et un père et il faudrait encore payer pour qu'il lui soit rendu hommage !


    Ce que sa famille a obtenu, en payant ou pas, je ne sais pas, c'est que son corps soit inhumé au carré des corps restitués du cimetière municipal de Petit-Quevilly où Amanda est venue le rejoindre 40 ans plus tard en 1954.

    vendredi 2 novembre 2007

    YarubaDrum

    L'un de mes logiciels préféré, c'est Photofiltre, logiciel de retouche d'image, il permet de nombreuses manipulations et a constitué pour moi une excellente initiation à Gimp.
    Voici ma dernière création, Yarubadrum.

    Le travail autour de ce tambour Yaruba du Nigéria, dont l'image provient du site de la Hamill Gallery of African Art à Boston m'a été inspiré par celui d'Oscar, qu'il a présenté sur le forum officiel de Photofiltre. Je suis loin d'atteindre la perfection d'Oscar, merci à lui du partage de ses conseils.

    dimanche 26 août 2007

    Portraits



    En feuilletant les registres les plus anciens de la paroisse de Pont-de-l'Arche, j'ai eu la surprise et le plaisir d'y trouver des portraits, esquissés dans les marges des actes.

    Celui-ci datant de 1597, un homme de profil, barbu et portant un chapeau côtoie l'acte de baptême de Robert, fils de Jéhan Langloys.

    Un autre, de la même année, dans la marge de l'acte de baptême de Louys Tesson, toujours de profil, mais sans chapeau.


    Il est permis de supposer que l'auteur de ces délicats portraits est Claude Hayet, prêtre curé de la paroissse Saint Vigor de Pont-de-l'Arche à cette époque.


    Références des images : Registres paroissiaux de Pont-de-l'Arche, microfilm 8Mi3216, Archives Départementales de l'Eure

    lundi 20 août 2007

    Mensonges

    Sans commentaires (pour l'instant...)